Zone

L'avis de Froggy

​Ce fut avec un réel plaisir que je me suis lancée dans cette énième relecture de cette magnifique pièce québécoise. J'ai découvert cette dernière en 1996 dans le cadre de mon cours de théâtre au secondaire, et ce fut un coup de cœur théâtral à cette époque. J'aime toujours Zone, mais ayant une quinzaine d'années de plus qu'à l'époque, je me sens un peu moins concerné par les événements. Il n'en reste pas moins que je l'adore et qu'elle fait encore aujourd'hui partie des classiques de la littérature québécoise.

​Zone, c'est l'histoire d'un gang de rue, dans les années cinquante, qui fait dans la contrebande de cigarettes afin de survivre. On nous relate la vie de chacun des membres du gang, qui est composé d'adolescents... mais en dessous de ces bandits, se cache une histoire d'amour à la Roméo & Juliette, entre Ciboulette (la seule fille du gang) ainsi que le chef Tarzan. Nous sommes plongés directement dans leurs histoires et aventures. Nous vivons avec eux la déchéance du clan lorsque la plupart des membres se font arrêter, à la suite d'un chargement de cigarettes vendu qui tourne mal. Malheureusement, l'un des douaniers qui surprennent le transfert meurt. (C'est là que je faisais mon entrée dans la pièce... et oui, j'étais une grosse police pas fine llllolll. Je peux même vous dire qu'à cette époque, ç’a été compliqué pour nous de jouer les scènes puisque le jeune homme qui interprétait Tarzan a été hospitalisé durant l'année. Il était l'un des survivants d'un accident mortel survenu à cause de la vitesse et du manque d'expérience de conduite en plein hiver. Je devais faire attention lorsque nous jouions certaines scènes plus «brutales», puisqu'il avait des séquelles aux vertèbres cervicales et que je devais lui donner de vraies claques derrière la tête. Bon désolé pour ce moment d'égarement.

Cette pièce de théâtre se déroule en trois temps. Nous avons la partie du jeu, où nous rencontrons les personnages et dont l'histoire se déroule dans un décor d'arrière-cours d'un faubourg. Nous apprenons à faire connaissance avec Ciboulette, Tarzan, Passe-Partout, Moineau et Tit-Noir. Le deuxième acte, nous présente le procès des jeunes de rue. Cet acte est plutôt sombre et dur... On maltraite un peu les jeunes afin qu'ils dénoncent leur chef! L'acte trois se déroule dans le même décor que le premier acte. Toutefois, dans cet acte, nous ferons connaissance avec la mort, mais je vous laisse découvrir qui mourra durant cet acte.

L'histoire nous raconte celle de 4 jeunes hommes, soit Tarzan, Moineau, Tit-Noir et Passe-Partout ainsi que celle de Ciboulette, l'unique fille du clan. Tarzan est admiré de tous, et son statut de chef du gang renforce ce sentiment d'admiration auprès des autres membres. En fait, seulement Passe-Partout n'a aucune admiration pour Tarzan, car celle qu'il aime est amoureuse du chef. Il jalousera ce dernier à cause de la relation qu'il a avec l'élue de son coeur. Âgé de 21 ans, Tarzan est le plus vieux du groupe, il est donc plus facile pour lui de contrôler les autres membres du gang. Ciboulette quant à-elle, dévoue un amour secret pour Tarzan. À peine âgée de 16 ans, elle se lance dans la contrebande par amour pour le jeune homme. Quant à Passe-Partout, lui aussi il est également amoureux de la belle Ciboulette, mais cette dernière le remarque à peine. Pickpocket de cravate entre autres, il sera considéré par la gang comme étant le traître.

Personnellement, j'ai vraiment aimé la pièce. Écrite dans un franc parlé, elle est accessible à tous et l'on peut ressentir le manque de scolarité des membres du gang via le langage de certains. Marcel nous transporte dans un univers qui est, après plus de 50 ans, toujours d'actualité. C'est un véritable classique dans l'univers du théâtre. Les personnages sont relativement solides et l'on arrive à comprendre toute la détresse en dessous de l'histoire. Il nous raconte la montée et la descente d'un amour impossible entre deux êtres très différents. Il nous transporte dans l'aventure de ces adolescents avec brio.

Pour ma part, cette relecture m'a transporté en 1997 lorsque je suis montée sur les planches pour jouer dans cette pièce de théâtre. Je revécus toutes les péripéties que nous avons eues durant la mise en scène de cette dernière. Que ce soit de l'accident de voiture d'un des comédiens, des répétitions à l’hôpital pour certains d’entre nous, du décor qui a fait des siennes lors de la première représentation, de l'ovation de la fin ! D'excellents souvenirs qui s'étaient égarés dans un coin de ma mémoire, mais qui sont de retour à nouveau.

J'espère que vous aurez la chance de découvrir ce chef-d’œuvre de la littérature québécoise!

Extrait

    CIBOULETTE — Passe par les toits comme t'es venu.
TARZAN — C'est le seul chemin possible, je pense. (Il se dirige du côté des toits, il regarde, il inspecte puis il s'approche de son trône, se penche, soulève la caisse et prend son pistolet. Puis il revient vers Ciboulette.) Écoute. Je sais qu'ils vont me descendre au tournant d'une rue... Si je pouvais me sauver, je le ferais, mais c'est impossible.
CIBOULETTE — Il te reste une chance sur cent, faut que tu la prennes.
TARZAN — Non. Y est trop tard. J'aime mieux mourir ici que mourir dans la rue. (Il vérifie le fonctionnement du pistolet et le met dans sa poche.) J'aime mieux les attendre. Quand ils seront là, tu t'enfermeras dans le hangar pour pas être blessée. S'ils tirent sur moi, je me défends jusqu'à la fin, s'ils tirent pas, je me rends et ils m'emmènent.
Les sirènes arrivent en premier plan et se taisent.CIBOULETTE — T'es lâche, Tarzan.
TARZAN — Ciboulette!
CIBOULETTE — Tu veux plus courir ta chance, tu veux plus te battre et t'es devenu petit. C'est pour ça que tu m'as donné l'argent. Reprends-le ton argent et sauve-toi avec.
TARZAN — Ça me servira à rien.
CIBOULETTE — Si t'es encore un homme, ça te servira à changer de pays, ça te servira à vivre.
TARZAN — C'est inutile d'essayer de vivre quand on a tué un homme.
CIBOULETTE — Tu trouves des défaites pour oublier ta lâcheté. Prends ton argent et essaie de te sauver.
TARZAN — Non.
CIBOULETTE — Oui. Elle lui lance l'argent au visage. C'est à toi. C'est pas à moi. Je travaillais pas pour de l'argent, moi. Je travaillais pour toi. Je travaillais pour un chef. T'es plus un chef.